Cool World : Surligneur Jaune Vinyle LP

À l'image des imposants monticules de déchets toxiques qui lui ont donné son nom, la musique du quatuor noise rock d'Oklahoma City Chat Pile est une incarnation suffocante et grotesque de l'angoisse existentielle qui caractérise le XXIe siècle. On imagine qu'un groupe au son aussi abrasif, implacable et extravagant a résonné aussi fort. L'effroi a remplacé le rêve américain, et la musique de Chat Pile en est un rappel poignant – le portrait d'un groupe de rock américain façonné par une société définie par ses systèmes de pouvoir froids et cruels.

Bien que très fidèle à la signature de Chat Pile, un noise rock cacophonique et boueux, l'orientation du groupe vers une thématique globale sur Cool World complète non seulement les expérimentations plus larges qu'il déploie dans son écriture, mais aussi la manière dont il décortique le thème central de l'album, la violence. À la musique fondatrice et tordue du groupe se mêlent des traces d'autres styles éclectiques, avec des chants funèbres aux accents gothiques, des refrains alternatifs/indie abrasifs mais néanmoins anthémiques, et des grooves metal décalés, qui ne font qu'effleurer la surface de ce que l'on peut entendre dans les dix titres de l'album.

En plus de repousser stylistiquement les limites du son Chat Pile, Cool World est également le premier disque du groupe à confier le mixage à quelqu'un d'autre, Ben Greenberg (Uniform) capturant et amplifiant encore davantage le côté outsider et folk-art indéniablement du quatuor.

Si le premier album de Chat Pile était très dérangeant avec son interprétation inspirée d'une série B d'une « vraie histoire d'horreur américaine », ce que le groupe dépeint sur Cool World est troublant non seulement par son assaut noise rock viscéral, mais aussi par la démonstration que toutes sortes d'atrocités font partie intégrante de la vie moderne. En termes de cinéma, on pourrait penser à un film d'art et d'essai Criterion, avec un festival de grindhouse ringard : indéniablement gratuit et palpitant sur le moment, mais laissant planer une appréhension profonde quant à la proximité des horreurs dépeintes avec la réalité.